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J22 jeudi 27 octobre 2011
C2 (6450m)-Tentative vers le sommet – CB
Longue journée commencée à 2h20. Quand je regarde ma montre et réveille Daniel, Dominique, et Bruno qui tentent de dormir dans la tente d'à côté, le vent a cessé, le ciel est étoilé, il faut y aller !
La préparation du petit déjeuner dont je perçois les échos de la tente voisine a l'air assez folklorique. Quant à mon voisin Karma qui ouvre de temps en temps les yeux, il n'a l'air ni pressé de déjeuner ni de partir. Il faut dire que les -25° qui règnent dehors n'invitent en rien à une sortie.
J'allume donc le gaz sous le bloc de glace stocké dans la casserole.
Après longtemps de chauffe et de préparatifs, nous finissons par sortir des toiles, un peu craintifs et ralentis sous les coups de couteau du froid.
Impossible de mettre des crampons avec des moufles, c'est donc la première onglée de la journée, ce ne sera pas la dernière...
Nous partons dans la nuit inhospitalière, comme marchant dans le ventre d'un géant endormi, Karma devant faisant la trace dans une neige instable. Et, comme toujours, arrive l'enchantement de l'aube en altitude. Comme une délivrance, elle sort le grand jeu et sa palette de couleurs qui change toutes les secondes. Nous nous sortons les mains des moufles au prix de terribles et douloureuses onglées pour appuyer sur le déclencheur de la boîte à souvenirs.
A la suite d'une pente plus raide, nous débouchons sur le petit col qui sépare la pointe 6730 (sacrée selon Karma) de l'arête du Baruntse.
Belvédère d'exception - on voit jusqu'au Tibet - tout alentour n'est que pics, glaciers, moraines à perte de vue, dans la lumière rasante du matin faisant presque penser à un décor en carton pâte tant tout est exagéré. Continuant un peu vers l'arête dans une neige de plus en plus profonde et de plus en plus instable je décide de faire 1/2 tour, le risque de plaque à vent devenant palpable. Personne ne proteste, il semble même que à s'enfoncer ainsi dans la neige la coupe soit pleine. Nous redescendons ayant atteint l'altitude de 6650m, déçus mais heureux d'avoir profité d'un tel spectacle par une journée aussi belle.
Retour vers le C2 où tout le monde apparaît comme ralenti dans ces gestes et où il faut un temps infini pour concevoir et faire un sac.
Ce n'est pas fini, il y a la descente.
La décision qui est celle des guides depuis longtemps s'impose d'elle-même aux apprentis montagnards : retourner au CB.
Je reste avec Dominique, le plus épuisé, dont la vitesse manifestement trop lente risque de ne pas lui permettre d'atteindre le CB aujourd'hui ; il a été du style : " je vais jusqu'à ce que je n'en puisse plus " j'essaye de lui faire comprendre que ce n'est pas très raisonnable.
En Himalaya comme ailleurs, celui qui va jusqu'au bout de ses forces à la montée risque de ne jamais redescendre. Beaucoup l'ont payé de leur vie. On n'a pas le droit de faire cela dans un milieu aussi hostile, toutes les vitesses ne sont pas permises sauf à augmenter encore une prise de risque déjà très grande. Personne n'en a envie… il comprend, mais n'en peut réellement plus, heureusement dans ce commerce bien organisé il y a l'ambulance népalaise et le sac de Dominique se retrouvant sur le dos de Dorje, c'est sans encombre que nous pourrons atteindre le CB avant la nuit.
On ne peut pas en vouloir à Dominique. J'espère simplement qu'il aura pris conscience que l'himalayisme n'est pas un sport comme les autres où l'on peut aller impunément jusqu'à l'épuisement sans garder quelques forces pour la descente. Sans parler des risques d'œdème qui peuvent apparaître dans la nuit à plus de 6000 m .
Tps:10 h
M : 200m
D : 1200m
Pause au dessus du C2
Suite du carnet
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