Népal Everest "Altarea" du 4 avril au 2 juin 2008 | Page 2

A Marc, mon alter ego regretté, avec qui j’aurai tant aimé partager ce rêve éveillé.

Everest Altarea 2008

Un couillon et une jeune fille de bonne famille à l'Everest… Ou un Everest heureux.

 

Tout cela c'est la faute à Bruno et c'est par lui que tout a commencé. Un beau jour le voilà qui me parle d'une cliente qui veut gravir l'Everest et qui cherche un guide.
- Ca te tente toujours ?
Surprise et incrédulité pour celui qui avait oublié cet ancien projet récurant
- Oui, je vais réfléchir un peu...
C'est vrai que ça fait longtemps que j'y pense avec des hauts et des bas, les doutes qui s'attachent forcement à cet énorme défi. Pour avoir déjà foulé ses pentes je sais quelle attirance irrationnelle cette montagne exerce. Toute haute montagne m'attire en cela qu'elle nous met face à nous même et à nos ressources physiques et mentales de petit microbe bipède, le tout au cœur de forces naturelles puissantes que rien ne vient altérer.
Un montagnard peut-il rater l'occasion d'une expérience comme celle-ci : variante du comble du garagiste, escalader une DS (Chomolongma, déesse mère du monde) pour s'en faire une ID ? Seules les générations antérieures à 1960 comprendront...
Puis, décision prise, tout s'est précipité : visite de Marc Lubin guide ex-Terdav organisateur français, rencontre d'Aschok organisateur népalais lors de mon voyage d'automne au Népal et WE de préparation raquettes avec Anne Garance, la postulante, qui me décrit la genèse du projet et entre autre les difficultés à trouver un guide. D'où réflexion de Micheline : "ils ont trouvé un couillon"... Le couillon c'est moi. Très consentant il faut bien dire...
Pouvait-on refuser une telle proposition ? Occasion si rare de tenter l'ascension du géant ? Ont suivi quelques mois de préparatifs intensifs pendant lesquels Marc Lubin s'est démené comme un diable. Le projet est financé par l'entreprise d'Anne Garance, Marc coordonne tous les acteurs côte France et Aschok prend en charge l'organisation népalaise.
Anne Garance et moi entretenons notre condition physique, pour moi ski de randonnée pour le foncier et course à pied dans les périodes sans travail. Cinq personnes vont nous accompagner pendant le trek d'acclimatation : un accompagnateur faisant partie de l'association de Marc et 4 clients.
Et voilà, tout est prêt c'est le grand jour du départ. Jusqu'à la dernière minute nous risquons l'annulation pour cause de flamme olympique. Ces impérialistes chinois ont l'idée bizarre de monter la flamme olympique sur le toit du monde etc...
Sur le quai de la gare de Lausanne, les adieux de Micheline à travers la vitre du TGV et quelques larmes. Dur de voir partir l'homme qu'on aime pour 64 jours et une dangereuse destination : cette montagne qu'elle redoute.
Adam part Everest (Eve reste) jeu de mots trouvé sur Internet détend un peu l'atmosphère même si il fait rire jaune.

 

J1 Vendredi 4.04.08

 

Paris Doha

Au rendez-vous à Roissy Aérogare 1 face à la porte1 où se trouve le comptoir d'enregistrement de Quatar Airways, je trouve un comité d'accueil fourni. La famille et les amis d'Anne Garance sont venus soutenir son départ : effusions, films, photos, l'ambiance est conviviale. Reste la sempiternelle question du poids. J'utilise la méthode qui a fait ses preuves : se présenter au chef d'escale et demander l'enregistrement en groupe pour une moyenne des poids. Et ça marche ! la plupart des trekkeurs étant à 15kg et nous avons droit tous les deux à 30 kg. Par contre ma guitare est refusée en bagage à main pour la première fois.

 

 

J2 Samedi 5.04.08

 

Doha - Katmandou

Aschok nous attend à l'aéroport et nous conduit en minibus à l'hôtel Shanker vieil hôtel de style colonial un peu moins confortable que le Yak and Yeti, mais au personnel très agréable. Une banderole de bienvenue nous y attend : Bienvenue à Anne Garance et Daniel Petraud Expe Everest 2008. Je conduis ensuite le groupe dîner au restaurant tibétain le Decheling qui rencontre comme toujours un franc succès.

 

 

Encore rien fait et déjà célèbres !

 

J3 Dimanche 6.04.08

 

Katmandou préparatifs

Tout le monde part en visite de ville pendant que je vérifie avec Aschok tous les détails du programme. Ceci fait je retourne dans la grande surface où j'avais fait les repérages à l'automne pour l'achat de complément de vivres d'altitude. Tout y est excepté la purée instantanée et la couscous. Ils essayeront d'en trouver et de nous le faire parvenir au camp de base.

Puis à 16h30 comme prévu la visite de la vieille dame.

Le téléphone sonne dans ma chambre

-Allo ?

- Miss Hawley downstairs !

Toujours fidèle au poste voici l'incontournable Miss Hawley, mémoire vivante de l'Himalaya, qui note, enregistre et publie tout ce qui concerne les expéditions. Je ne la pensais pas encore en vie l'ayant rencontrée pour la dernière fois en 94 déjà très âgée, la voilà qui apparaît la peau parcheminée, 90, 100 ans ? Difficile à dire.

Suivent les questions rituelles : nom de l'expédition, identité, nationalité des participants, etc.

J'essaie d'avoir des chiffres sur l'Everest : il y a 16 permis avec 12 grimpeurs par permis soit 192 grimpeurs. Il y a un Japonais de 74 ans et un Népalais de 77 ans ! (Le record est actuellement de 71 ans). 171 femmes l'ont réussi pour l'instant. Impossible d'obtenir d'autres chiffres pour le moment, les réponses à mes questions c'est de me renvoyer à son DVD Himalayan Data Base tout en Anglais avec ses mises à jour téléchargeables gratuitement, que je possède, mais dont j'ai abandonné la consultation.
Et puis la vieille dame est très fatiguée et la voilà repartie à petit pas accompagnée de son "boy" népalais.

 

 

 

 

 

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L’ascension d’une telle montagne est un acte profondément irrationnel. C’est le triomphe du désir sur la raison. Quiconque l’envisage sérieusement se place, presque par définition au-delà du raisonnement.
Jon Krakauer

 

Une ligne rouge, pourrait on dire, est tracée autour de la partie supérieure de ces hautes montagnes. Personne ne devrait la dépasser. Au-delà de 7500m, la pression atmosphérique trop basse a un effet si sévère sur l’organisme qu’un obstacle peut rendre l’escalade impossible et que la moindre tempête peut avoir des conséquences mortelles. Seules des conditions météorologiques parfaites offrent une chance de succès.
Je doute que quelqu'un puise prétendre aimer vivre à haute altitude. Je veux dire "aimer" dans le sens habituel du mot. Il y a une sombre satisfaction dans l'effort pour monter plus haut, même lentement. Mais on ne peut éviter de passer l'essentiel de son temps au milieu de l'extrême saleté d'un campement. Il est impossible de fumer; manger donne envie de vomir; la nécessité de réduire sa charge au minimum limite la lecture aux étiquettes des boites de conserve ; l'huile des sardines, le lait concentré et la mélasse se renversent partout ; à l'exception de très brefs instants, où l'on n'est généralement pas d'humeur à goûter les joies esthétiques, il n'y a rien d'autre à contempler que la morne confusion qui règne sous la tente et le visages desquamé et barbu de son compagnon d'escalade. Fort heureusement, le bruit du vent couvre la respiration de son nez encombré. Mais le pire, c'est le sentiment d'abandon complet et d'incapacité à faire face à un danger soudain. Généralement, j'essayais de me consoler en pensant que, l'année précédente, j'aurais été heureux à la seule idée de participer à cette aventure. A ce moment-là, cette perspective semblait relever d'un rêve impossible ; mais l'altitude a le même effet sur l'esprit que sur le corps : l'intellect devient terne et apathique. A présent, mon seul souhait était de terminer ce qui était commencé et de redescendre vers un climat plus raisonnable.

Eric Shipton "Sur cette montagne" (Arthaud 1950)

 

Certaines expéditions commerciales frisent aujourd'hui le ridicule. Des clients montent équipés d'un appareil photo, d'une gourde et de leur crème solaire dans un endroit où ne pas disposer de son propre matériel peut vous condamner à mort. Souvent, leurs sacs sont acheminés jusqu'au camp le plus élevé, et on leur y installe les tentes. Un beau jour, les clients n'auront plus que leur masque à oxygène sur le visage et on leur portera aussi leur bouteille d'oxygène mais ils continueront à se vanter d'avoir vaincu l'Everest, à écrire des livres et à en tirer des bénéfices. Elle nécessite beaucoup de patience et d'amour. Disposer d'argent ne devrait pas être une raison suffisante pour tenter l'ascension.
Jamling Norgay (fils de Tenzing Norgay)

 


Survol de Katmandou

 

J4 Lundi 7.04.08


Katmandou (1300m) Lukla (2800m) Pakding (2600m)

 

Partager le destin des abeilles

 

Le ciel est parfaitement pur ce matin, ce qui permet de respecter l'horaire, une fois n'est pas coutume. La sonnerie du téléphone nous réveille à 5h d'un trop bref sommeil. Ensuite c'est le folklore habituel de l'embarquement sur Lukla. L'aéroport se transforme en une sorte de vente à la criée où les bagages volent de mains en mains pour atterrir sur une balance au cadran géant, déchargée quand l'aiguille atteint son maximum.

Vol agréable avec peu de nébulosité donc peu de secousses, vue sur le Rolwaling et le Gaurichankar.

L'atterrissage à Lukla sur le minuscule terrain en pente est toujours un grand moment où chacun souhaite que le freinage soit bien maîtrisé par le pilote.

A l'atterrissage, notre sirdar Ang Tsering nous attend il sera aussi un des deux sherpas d'altitude, il est déjà monté deux fois au sommet.

Pour l'instant, le temps semble meilleur qu'en automne, nous n'avons pas encore sorti les parapluies. Pourvu que ça dure !

A Pakding nouvel essai d'envoi de mail avec l'ordinateur portable connecté au téléphone satellite (Thuraya), nouvel essai infructueux. Les techniciens que j'ai joints plusieurs fois au téléphone et par mail n'ont pas assuré un service après vente sérieux, ça doit pourtant être assez simple, quand on connaît, de transmettre une explication claire.

Les difficultés à m'endormir le soir (décalage horaire oblige) me font me plonger dans la lecture de l'excellent "L'élégance du hérisson" et le non moins excellent chapitre intitulé : "Qui croit pouvoir faire du miel sans partager le destin des abeilles " avec entre autres perles, cette phrase : " Trouver la tâche pour laquelle nous sommes nés et l'accomplir du mieux que nous pouvons, de toutes nos forces, sans chercher midi à quatorze heures et sans croire qu'il y a du divin dans notre nature animale. C'est comme ça seulement que nous aurons le sentiment d'être en train de faire quelque chose de constructif au moment où la mort nous prendra."

Voilà, là-dessus on peut tranquillement aller se coucher...

 

M : 250m

D : 450m

Tps lunch compris : 5h10


 


Dans l'avion pour Lukla

 


La pierre à mani de Phakding