Népal Everest "Altarea" du 4 avril au 2 juin 2008 | Page 6


Camp de base, autel et cascade de glace (icefall)

 

J19 Mardi 22.04.08

 

J’ai pas d’apôtre, j’ai pas de croix, je crois en l’autre, je crois en toi… (Claude Nougaro)

 

CB (5350m)

Sat matin: 95 T° : -9° Pression : 532mb

Aujourd'hui c'est la puja. Chaque expédition construit son autel en pierre et un lama vient pour la cérémonie. Offrandes et bénédiction du matériel, ensuite sont installés les drapeaux à prière en étoile tout autour du mat central de l'autel si bien que l'on pourrait compter les expéditions en comptant les autels. Tout un tas de friandises on été regroupées, l'autel est entouré de canettes de bière San Miguel. Mais quel est donc ce saint Miguel qu'on vénère tant ? Le dieu du houblon peut-être. Le lama qui est aussi sherpa à ses heures - il faut bien vivre - psalmodie les textes sacrés qu'il lit sur ses feuillets et de temps à autre on fait tourner les friandises et les boissons, on lance du riz vers l'autel au signal du dévot. La farine d'orge bénit chaussures et crampons, nous héritons tous d'une poignée de riz béni et les bières et les victuailles tournent pendant que les drapeaux à prière sont installés. Les nourritures terrestres auront été équitablement partagées entre hommes et dieux et la cérémonie se termine en fête. Le bouddhisme n'est pas une religion de la souffrance. Ma contribution 1500 Rpies pour le lama et 2000 Rpies pour les victuailles.
Je conclurai par la parole de Georges : "je ne crois pas un mot de toutes ces histoires, mais j'envie les simples d'esprit pouvant y croire".

 

 

 


Pendant la Puja

 

Les offrandes de la puja

 

J20 Mercredi 23.04.08

 

L’enfer est voisin du paradis.

 

CB (5350m) C1 (5950m) CB (5350m)

A 4h du matin lorsque je me rends en cuisine pour mon rituel café au lait, l'ambiance est presque rassurante, le temps est superbe, la pleine lune éclaire le camp bercé par le ronron régulier des groupes électrogènes et une chenille de lucioles s'étire dans la cascade de glace. Là je fais pour les allergiques au franglais, mais c'est impropre de traduire icefall par cascade de glace, ce n'est pas une cascade de glace, mais une chute de séracs bien que je sois plus sensible habituellement aux chutes de reins, celles-ci, malgré les apparence ne me laissent pas... de glace. Anne Garance a dû avoir une panne d'oreiller ce matin il faut que j'aille la réveiller ! Nous démarrons avec Maïla le cook du camp 2 et très vite Anne Garance ne se sent pas bien, elle couve depuis 2 jours des problèmes de foie, je la raccompagne un petit bout et elle me laisse repartir seul pour une reconnaissance. Alors là les amis ! l'icefall c'est fou, je n'aurai qu'un mot, fantasmagorique, orgasmotitanic, giganticimesque, alucinogex ,enormicime, delirantex, chaotrique, fantasteque, majix Babas arrêtez le pétard venez dans l'icefall ! Cadres arrêtez repas d'affaire whiskys et prozac montez dans l'oxygène rare ! Je suis transporté par cette idée je suis dans cette mythique icefall du non moins mythique Everest. J'en ai tellement rêvé et en pensant aux êtres chers, aux clients fidèles aux potes alpinistes il me vient souvent des larmes de joie. C'est comme une femme longtemps refusée qui s'offrirait, il y faut beaucoup de séduction, de patiente et de chance. Je préfère la séduction à la conquête, oui c'est cela nous allons tenter de séduire l'Everest. Pété aux endorphines (la morphine gratuite : on devrai interdire le sport !) je me chante doucement : "je me voyais déjà en haut de la déesse mère". Mais toute euphorie a ses chutes... Le C1 se fait attendre, il est loin le bougre et le soleil cogne fort et les forces s'épuisent, puis tout bascule la mécanique s'essouffle et je reste les yeux rivés sur le compteur : "ne pas dépasser 140 au pouls ! ". Ce pouls ne veut pas redescendre même à la descente ! Je paye la dette d'oxygène. J'ai un peu violenté cette bonne vieille carcasse, celle qui supporte depuis 62 ans le tyran qui la gouverne et qui s'est toujours montré à la hauteur de la situation. Carcasse c'est juré, l'heure de la sagesse arrive, plus que du bien pour toi pour toutes ces années de bons et loyaux services. C'est trop long en aller et retour, dommage après une acclimatation aussi bien commencée, la descente est interminable, la pompe ne veut pas se calmer et voilà la gorge et les bronches brûlées par cet air froid. Paradis et enfer dans la même journée c'est la dure condition de l'Homo alpinus.

 

M / D :800m
Tps : 10h20 !
Pls : 94/132/151...125< 9h <165 - 1h<125

 

 

 

J21 Jeudi 24.04.07

 

Ethique et toc…

 

Balade dans l'icefall

Déjeuner à 6h, nous partons dès que nous sommes prêts. Objectif : parfaire l'acclimatation entre 5 et 6000m et familiariser Anne Garance avec les passages d'échelles. Devant le spectacle elle est saisie des mêmes sentiments que moi la veille :"c'est hénaurme" s'exclame-t'elle. Nous grimpons jusqu'à 9h, franchissant au passage quelques remarquables échelles pour lesquelles AG n'éprouve aucune appréhension, puis décidons la descente à l'heure où l'icefall commence à chauffer sous le soleil. A ce propos, en très haute montagne, il y a 2 heures où il fait bon vivre entre 9 et 11h ! Le reste du temps il fait trop chaud ou trop froid. Salut les masos... Mais c'est tellement beau ! Dans l'après midi nous préparons avec Ang Tsering, un des deux sherpas d'altitude, nourriture et charges pour les camps supérieurs. Notre nourriture, les tentes, les réchauds, l'oxygène, etc. Tout est porté par les sherpas, nous ne transportons que nos affaires personnelles. Ca me change de pas mal d'expéditions où l'autonomie en altitude fut presque totale. Mais c'est à ce prix qu'ils peuvent vendre une montagne aussi difficile au plus grand nombre. Équipement total de la montagne et transport du matériel des Occidentaux plus ou moins fortunés qui viennent se mesurer à cette folle entreprise. Ils peuvent ainsi se partager un copieux gâteau : c'est l'Everest business... J'entends d'ici les commentaires de cafistes en chemise à carreaux (ils les ont depuis longtemps jetées aux orties, mais c'est pour l'image) et autres parangons de vertu refaisant le monde de la montagne autour d'une bière au café de la poste, toujours prêts à donner des leçons d'intégrité quand leurs salaires tombent tous les mois. Leur réaction peut sembler justifiée et nous restons tous attachés à une éthique de l'alpinisme que nous retrouvons dès que l'occasion s'en présente, mais même dans ces conditions d'assistance l'ascension de cette montagne reste un énorme dépassement de soi pour la majorité des personnes qui l'entreprennent. . Même si je regrette ce peu d’autonomie a quoi me servirait-il de me révolter contre ce qui est devenu une institution. Cela me rend disponible et me permet de me consacrer entièrement à l’assistance de ma cliente. Et puis les montagnes sont nombreuses et il reste tant de projets de par le monde en parfaite éthique pour les amateurs que nous sommes restés, et je n'ai pas vu beaucoup de puristes passer à côté des cordes fixes quand elles sont en place au delà de 5000m.

 

M / D : 300m
Tps : 4h30
Pls : 76/118/141

 

Les fameuse echelles de l'icefall...Sensations garanties

 

J22 Vendredi 25.04.08

 

Quand le corps se souvient…

 

CB (5350m) C1 (5980m)
Alors là les amis, aujourd'hui c'est la fête du guide ! Le monde à l'envers, la cliente attend et encourage le guide. Le guide est malade. Bronches en feu, jambes en coton, c'est comme si je n'avais qu'un poumon sur deux qui fonctionne et avec le soleil c'est l'enfer de l'icefall et à chaque instant je crois abandonner. Je paye au prix fort l'effort de 10h d'avant-hier où, piégé par mon enthousiasme, je suis allé trop loin et pourtant je le connais ce piège pour l'avoir expérimenté plusieurs fois... Grand enfant va ! En altitude l'air glacé nous entre directement dans les poumons d'autant plus qu'on est obligé d'augmenter les échanges respiratoires et cela débouche très vite sur une infection sinus gorge bronches. C'est le piège classique et mon talon d'Achille la sphère ORL. Ce qui m'est déjà arrivé au trekking du Kangchenjunga en 2006 où j'ai cru abandonner. Heureusement grâce aux 2 infirmières qui m'ont prescrit le bon cocktail, je sais ce qu'il faut faire maintenant. Arrivés au camp, Anne Garance se révèle une camarade de tente efficace et agréable, présentement j'en ai bien besoin.

 

M : 800m-160m/h

Tps : 9h

Pouls : 49/122/151

 

Premieres échelles verticales de l'icefall

 

Camp 1 et Pumori

 

 

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