Népal Everest "Altarea" du 4 avril au 2 juin 2008 | Page 9

 

J34 Mercredi 7.05.08

 

CB (5350m)
T° sous la tente : -6° -7° pendant la nuit.
J'avais l'impression qu'il faisait moins froid que quand nous sommes arrivés, il n'en est rien. C'est la preuve, fait que j'avais déjà constaté précédemment, que la réaction au froid doit faire partie des critères d'adaptation. Pouls pris sur 1h13 en fin de nuit : 52/83/103
L'attente se prolonge... Lessive, guitare, lecture. Les premières heures du matin sont confortables et puis très vite il fait trop chaud dans la tente et vent et soleil nous agressent dehors. Et nous recherchons les endroits de bien-être. Quand on pense que le CB nous semblera un endroit idyllique quand nous serons là-haut !

 

J35 Jeudi 8.05.08

 

Chine...toc

 

CB (5350m)

D'après les renseignements que nous avons, les Chinois devraient refaire une tentative aujourd'hui ; de toute façon nous montons demain au C2 et à partir du 10 l'interdiction est levée... Ca commençait à faire un peu long, 9 jours sur un CB sans bouger. Un peu d'action enfin ! Grand plaisir d'une dernière douche chaude à 5300m et pendant celle-ci - un bonheur n'arrive jamais seul - dernières infos (Source radio népalaise)... Ca y est ! Grande nouvelle : les Chinois ont monté la fameuse flamme au sommet. Ce matin 18/05/08 à 7h15. Enfin ! Ces gros malins ont fait porter la flamme par des femmes alpinistes tibétaines... Politique quand tu nous tiens.
Préparation du sac qui promet d'être volumineux et lourd. Perdu une bonne partie de la journée à essayer de comprendre pourquoi ma frontale ne fonctionne pas avec les piles "energizer" et seulement avec mes batteries rechargeables, ce qui me conduit à monter le panneau solaire là-haut... Le sac va avoisiner les 12/15 kg, les épaules seront douloureuses ! Dans la soirée, nouvelle tentative pour se connecter à Internet avec le téléphone satellite, de nouveau infructueuse, de plus, le bouquet, l'ordinateur d'Anne Garance refuse de démarrer et le disque dur émet un bruit bizarre comme s'il n'arrivait pas à tourner. Marc Lubin a eu Chadourne, le technicien de TDCOM à Paris et pour mon problème de carte SIM, que des réponses évasives. Je pense depuis le début qu'ils ne sont pas vraiment compétents, en tout cas qu'ils manquent à tout le moins du minimum de conscience professionnelle. Je vais en être pour mes frais, j'espère simplement que mon portable fonctionnera à mon retour en France !

 

L'attente se prolonge, écriture lecture, il faut savoir patienter...

 

J36 Vendredi 9.05.08

 

Comme un poisson hors du bocal

 

CB (5350m) C2 ­(6350m)

Sat : 99 % en général entre 85 et 99

Lever 6h30 départ 5h.

13h30 d'effort entre 5000 et 6000 ! Cette montagne bafoue toutes les règles élémentaires de l'acclimatation. En effet : CB-C1 800/900m dans un terrain fatiguant et si l'on fait CB-C2 1180m ! C2-C3 600/700m, arrivée au dessus de 7000m. C3-C4, 1000m arrivée à 8000m. C4-sommet 800/900m, arrivée à 8850m !
Au départ tout va bien, je constate que l'acclimatation permet un pouls plus élevé avec une respiration moins rapide et évite cette sensation d'étouffement : le poisson hors du bocal. Aujourd'hui c'est Anne Garance qui est dans ce cas là... Elle a attrapé la crève, se trouve sans force et se demande si elle va y arriver. Il faut dire que l'icefall demande beaucoup d'énergie, surtout après que le soleil se soit levé, on est dans l'enfer blanc, on a besoin de toute sa respiration, de tous ses globules pour affronter échelles, montées, descentes, cordes et désert brûlant. Aux dernières échelles verticales, AG craque un peu, à la radio j'arrive à joindre nos sherpas pour demander assistance, que l'un d'eux viennent à notre rencontre pour porter son sac. Nous mangeons un morceau et je lui donne 2 solupred qui vont lui permettre de tenir le coup jusqu'au C2. En effet c'est interminable ! Et je me demande si elle a encore assez de force alors que nous ne sommes pas encore au C1. Heureusement, Nima, l'autre sherpa, nous rejoint et peut prendre son sac. Nouveau point radio au C1 et nous décidons de continuer l'interminable route jusqu'au C2 sous la neige avec une trace qui s'efface. Je donne le rythme le plus régulier possible à AG, mais c'est interminable ! C'est vraiment trop long ! A la fin, Ang Tsering vient à notre rencontre avec une boisson chaude et se propose de porter mon sac. La combe ouest en touriste pour le petit bout qui reste, ça ne se refuse pas.
Cela n'arrange pas les sherpas de maintenir un C1, mais 13h d'effort à des altitudes pareilles cela puise sur les réserves. A mon goût, ce n'est pas à conseiller pour une acclimatation réussie. Il ne faudrait pas dépasser 8/10h d'effort au-delà de 5000m et ne pas faire monter le pouls au-delà de 135/140 (pour moi 62 ans)
Pendant le dîner, Anne Garance repère une bouteille plastique et me demande de la couper. Ca y est, elle a craqué, nouvelle adepte de la gourde pipi; quand je pense que j'ai eu des pudeurs au début à emporter la mienne. Eh les filles ! En expédition, mettez-vous donc à la gourde américaine à goulot de 10 cm, garante de confort.
Le soir, après cet effort énorme de la journée, je retrouve, pour m'endormi, ce que j'appelle la dette d'O2, très désagréable : on commence à s'endormir et le manque de débit par le nez vous réveille avec la sensation d'étouffer, quelques respirations accélérées et on retrouve le calme, nouvel endormissement, nouveau réveil, etc. C'est très pénible et angoissant, il faut 2 à 3h pour trouver enfin le vrai sommeil.

M : 1189m - 90m/h
D : 170m
Tps :13h24 Puls :96/129/153 2h42<125

 

Au départ de l'icefall, le Pumori sort des brumes

 

 

Chevelure des nuages sur l'epaule ouest

 

J37 Samedi 10.05.08

 

En haute altitude il est urgent de ne rien faire …

 

C2 (6350m) Repos

Glandouille à 6300. Aux bons soins de Maïla (notre cook du C2) qui nous mitonne des petits plats avec les moyens du bord, chef d'un des plus hauts restaurant qu'on puisse imaginer. Cela dit l'endroit reste assez invivable : on gèle sous la tente la nuit (-12°) et on y rôtit la journée (+30°) lunettes de soleil et casquette pour se protéger du soleil qui brûle à travers la toile, tenue ultra légère de rigueur. Les heures du lever et du coucher de monseigneur l'astre solaire restent très agréables. Aujourd'hui les sherpas de tous les groupes sont montés équiper et installer le C3. Il y a 4 étages de tentes sur le sérac peu tourmenté qui réserve quelques plates-formes et qui se trouve sous le sommet du Lhotse à droite du large couloir qui descend du col sud. Il faut ensuite traverser pour atteindre la bande de rochers jaunes et retraverser encore pour atteindre le col sud.

 

 

Au fond de la combe ouest, le camp 3 (6940m) dans la face du Lhotse et la trace qui mène au col sud

 

J38 Dimanche 11.05.08

 

A forte responsabilité fort pouvoir de décision

 

C2 (6300m) C3 (6940m) pression : 424mb !
Ca a toujours été mon credo. Avec les agences où il a toujours été clair que le guide souverain ne doit céder à aucune pression car il reste le seul responsable devant la loi. Pourquoi parlais-je de ça ? C'est à cause du sherpa le plus responsable, Ang Tsering, qui aurait tendance à faire un peu le programme à sa sauce, la sauce sherpa. Mais bourrés de globules comme ils le sont, ils ont tendance à perdre le sens de la réalité des efforts en haute altitude et à nous parler de plans irréalisables. Je reste le chef d'expédition et c'est vers moi que l'on se tournera dans tous les cas comme responsable. Donc garder son pouvoir de décision. Ca tombe bien, Anne Garance me suit complètement là-dessus.
J'ai constaté aussi que comme chez nous, les plus nantis (les sherpas d'altitude sont les mieux payés) deviennent vite les plus revendicatifs et prenant la grosse tête de l'Everest perdraient ce sens du service légendaire. Mais n'exagérons rien, nous avons une équipe conforme à ce que j'ai pu connaître auparavant, les cooks sont des crèmes et l'autre sherpa Nima très timide est également très serviable. Et il est normal au fond que l'Everest soit un cas à part.
Parlons-en justement, aujourd'hui grand jour, on affronte la célèbre face du Lhotse. Notre tente parmi les plus basses paraît toute proche, mais je sais que c'est trompeur, puisqu'elle est quasi à 7000m.
Réveil à 4h45 départ 6h. Nous traversons longuement le haut du C2 qui s'étire sur une grande distance pour rejoindre le plateau qui mène au pied de la face du Lhotse où nous attend une pente raide équipée de cordes fixes. Sur ce plateau il y a un monde fou, une foule cosmopolite et bariolée qui marche vite trop vite pour l'altitude ce qui me fait penser qu'ils ne semblent pas avoir une grande expérience de l'himalayisme ou peut-être sont ils très forts. En tout cas ils sont soit sans sac accompagnés d'un sherpa soit avec des petits sacs.
Nous fixons nos poignées d'ascension sur la première corde et commençons à gravir la pente raide (35/40°) et en glace vive, il est presque impossible de poser le pied à plat et les pointes glissent sur la glace bleue, ce qui rend la chose encore plus physique vue l'altitude et le poids du sac. Il faut jongler avec les personnes qui descendent pour ne pas se trouver sur la même corde en même temps; à ce propos, je pense que la surfréquentation à l'Everest doit être considérée comme un risque objectif (queues au ressaut Hillary, chutes de pierres, de glace, avec des personnes pas toujours au fait des techniques de l'alpinisme) en tout cas c'est assez folklo sur ces cordes.
Nous n'avions pas fait 30m que passe une première pierre de la grosseur d'un kilo de sucre au dessus de nos têtes et fort près des têtes casquées d'un couple qui nous surplombe suivie d'assez près d'une deuxième pierre du volume de 10 kg de sucre ! Pour le couple c'est 1/2 tour et pour moi le premier stress passé et la première envie de renoncer dépassée je me laisse le temps de la réflexion. Nous sommes à l'abri sous un mur de glace. J'essaie d'obtenir des renseignements de ceux arrivant du haut d'où viennent ces pierres si c'est anecdotique ou systématique ? Un Népalais nous donne la méthode : c'est vrai, c'est dangereux, mais il faut monter en regardant vers le haut pour se déplacer rapidement à chaque pierre qui descend (en criant olé ?)
Finalement après un moment d'attente, ne voyant pas de nouveaux projectiles inquiétants fendre les airs je décide la montée. Nous en verrons deux ou trois autres (pierres) dont une nous évitant a raté de peux un groupe d'Américains.
Après, ça n'a été qu'effort en altitude, attention à ne pas se mettre dans le rouge, placer les pieds pas facile dans cette glace vive, pas trop tirer sur les bras, se reposer sur sa poignée jumar et ces tentes qui n'arrivent pas et cette neige et ce brouillard qui eux arrivent . Anne Garance remarquable de volonté et de courage dans cette montée raide et gelée avec un sac dépassant les 12 kg sur les épaules. Bravo à elle.
Ca rapproche de souffrir de concert, elle m'a même proposé de partager ma gourde pipi, tente commune gourde commune, mais jusqu'où iront-ils !

 

M : 723m - 150m/h

D : 78m-220m/h

Tps : 9h40

Puls : 63/133/165 . 125<8h10<165 1h26<125

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