Népal Everest "Altarea" du 4 avril au 2 juin 2008 | Page 10


Face du Lhotse et montée au C3

 

J 39 Lundi 12.05.08

 

Mais que diantre allaient-ils faire dans cette galère ?

 

C3 (6945m) C2 (6300m)
Au matin de fortes rafales de vent secouent la tente donnant la désagréable impression qu'elle va s'arracher à tout instant. La première tentative pour faire de l'eau chaude s'avère infructueuse, les réchauds sont couverts de neige, l'abside est envahie par le vent et les briquets refusent de s'allumer !... Patience...
Tout est gelé à l'intérieur et à l'extérieur de la tente, obligé de rentrer les réchauds pour faire l'eau chaude...opération délicate ! A 9h45 nous quittons notre abri de toile secouée pour rejoindre les cordes fixes encombrées de touristes, d'alpinistes, de sherpas, la foule des chalands qui comme nous font tourner l'Everest business.
La descente en rappel ou téléphérique (petite glissade frayeur pour AG sur la fin) face à la pente nous oblige à slalomer d'une corde à l'autre, mais s'avère assez rapide et nous avons rejoint le C2 en 2h. Où Maïla, la fée du logis, a trouvé le moyen de nous faire une tartiflette avec ce qu'il avait sous la main. Nous avons passé la nuit sans oxygène ce qui nous fait classer par nos sherpas dans la catégorie des "I-strong". La météo semble mauvaise pour ces prochains jours, mais suite à une après-midi neigeuse le ciel est pur ce soir...
Sous la tente, dans le confort retrouvé du C2, chandelles et Mozart pour inspirer l'écriture... Très grand siècle, un peu de douceur dans ce monde brutal...

 


Dans la face du Lhotse, vers le C3

 

 

J40 Mardi 13.05.08

 

Ca doit être bien d'être de quelque part, d'en partir et puis d'y revenir, quand on est de nulle part.

 

C2(6300m)CB (5300)

Aujourd'hui retour au bercail : sweet camp de base, sa douche chaude, sa guitare et ses 5300m devenus respirables.
Micheline que j'ai au téléphone régulièrement (merci satellite) me transmet les messages de soutien, famille, amis, clients, ça réchauffe le cœur en ces lieux d'austérité.
Une cascade de glace bien calme aujourd'hui -nous sommes seuls et étonnés de l'être- dans un temps mitigé, mais pas le méchant mauvais annoncé. En 4h15 nous sommes à nouveau dans ce qui commence à ressembler à des habitudes.

 

J41 Mercredi 14.05.08

 

La météo est une science approximative qui tente de prévoir le mouvement des masses d'air. >

 

CB (5350m)

Ce matin ciel dégagé contrairement aux prévisions.
Je regarde le programme à venir avec Ang Tsering, nous prévoyons le sommet aux alentours du 20/21. A la suite d'un coup de fil à Marc Lubin, notre routeur météo prévoit un changement de temps les 19 et 20 avec plus de neige. Ca tombe mal... Nous referons un point météo vendredi... Derniers préparatifs, test des bouteilles d'O2, détendeurs et masques des sherpas qui doivent monter demain (15/05) au C2 pour équiper ensuite le col sud... Chaque bouteille contient 4 l d'O2 et pèse 4kg pleine, elle mesure 60cm de long. Il faut visser le détendeur réglé à 0,5 l, à fond on peut ensuite régler le débit de 0,5 à 4 l, le manomètre indique la quantité restante. Nous sommes sensés l'utiliser à partir du C3 et les sherpas à partir du C4. Il est certain qu'avec une telle rapidité d'ascension à partir de 7000m -on enchaîne quasiment les 1800m jusqu'à 8800 avec un petit repos au col sud- il est impossible de se passer d'O2. Dans l'après-midi,je reçois la visite de Jangbu mon sherpa de l'Himlung Himal avec qui nous avons échappé au pire en 2005. Il va monter pour la 4ème fois à l'Everest avec des Danois. Son CV s'est encore allongé, il ne lui manque plus que trois 8000m. Il me raconte l'accident qu'ils ont eu au Thorong Peak où Tom Nikles a laissé la vie l'année suivante. Les meilleurs se font avoir sur l'habitude et l'anodin, comme toujours.

 

 

 

Camp de base et Pumori

J42 Jeudi 15.05.08

 

Attendre, calmement attendre, faire le siège, ça peut être une tactique de séduction...

 

CB (5350m)

Temps très nuageux avec peu de précipitations. Les deux sherpas sont montés au C2. Ils doivent équiper le col sud demain. Quelle météo ? Après le dîner nous jouons au yatze avec AG qui a de longues années de pratique avec sa grand-mère ! L'ambiance monte très vite et attirés par les cris le cook et le kitchen rappliquent... Ce sont des passionnés de jeu et ils comprennent de suite la règle. Cela laisse augurer de beaux tournois en perspective à notre retour! Je réalise 4 yams dans la soirée ! Michelliiiiiine ! Que fais-tu ?...

 

 

Nuptse et drapeaux, nationaux et à prières

 

J43 Vendredi 16.05.08

 

La veillée d'armes des lavanturières (Lavandières aventureuse) et revendications d'un membre de la CSN (confédération des Sherpas nécessiteux)

 

CB (5350m)

Dernière lessive, dernière douche, nous profitons du soleil avant d'affronter sérieusement le troisième pôle ou là, ça rigole plus ! La vie n'y est plus admise, seuls quelques oiseaux et quelques couillons dans mon genre déguisés en cosmonautes ont le toupet d'affronter la...attention roulement de tambours... "zone de la mort". Brrr... Ça fait froid, et pas que dans le dos !
Après le lunch j'ai droit au discours d'un sherpa de passage qui m'a rappelé ce que j'évoquais plus avant. Nous n'aurions qu’à suivre, ce sont les sherpas qui font tout. J'aurais pu le renvoyer dans ses cordes en lui rappelant que des cordes justement j'en posais, alors qu'il tétait encore sa mère, je lui ai juste rappelé que c'était un bon business pour les népalais, mais il ne semblait pas convaincu. Il embraye sur le discours de caste insatisfaite à qui tout est dû... Décidément l'argent pourrit tout, je ne trouve plus là les qualités qui me plaisent tant chez les Népalais : honnêteté humilité humanité. Le comble, j'apprends par le cook qu'il n'a pas participé à la préparation de la montagne et qu'il est resté sirdar au Camp de Base. Décidément on a les mêmes chez nous... Dommage.

 

Quatrième montée dans les échelles et espérons... la dernière

 

J44 Samedidi 17.05.08

 

 

 

Le chaos c'est long surtout vers la fin

 

CB (5350m) C2(6350m)
Je persiste et signe c'est trop long !
1100m de dénivelé entre 5 et 6000 avec un terrain technique irrégulier : pentes raides, blocs de glace, crevasse, sauts, échelles, c'est forcement épuisant à la longue. Ang Tsering a beau dire que tout le monde fait comme ça... Et à nous citer les performances de tel ou tel...Et dire qu'il faut être capable de faire ça dans de bonnes conditions pour prétendre au sommet. Il faut 8h pour un alpinistes "normal" pour rejoindre le camp 1 et 4h supplémentaires pour le C2. Cela manque de progression pour une acclimatation "soft". On ajoute à ça l'artifice de l'oxygène et ça fait un peu forcing, bon ni pour le corps ni pour l'esprit. Ca arrange surtout les sherpas de ne pas avoir à laisser en place et démonter un camp supplémentaire. Et à ses réflexions j'ai l'impression que Ang Tsering est un peu pressé d'en finir. Cela dit ils font des efforts colossaux : aujourd'hui ils montent pour la deuxième fois au C4 (8000m) en aller et retour pour équiper (tente nourriture oxygène réchauds) 1700m entre 6300 et 8000 dans la journée sans oxygène c'est assez énorme et c'est très rapide, cela sera la 3ème fois pour le sommet. Nous avons beaucoup attendu au CB et maintenant cela se précipite. La faute aux Chinois certes, mais quand même je découvre là une stratégie d'expédition un peu inhabituelle et brutale. Il est vrai que l'Everest est une exception on l'a déjà dit.
Mais revenons à notre journée du samedi 17/05.
Réveil 3h30 départ 4h45. Nous marchons bien régulièrement dans cette interminable icefall avant qu'elle ne soit chauffée par le soleil. Je constate une meilleure acclimatation avec des pouls très bas et pas d'essoufflement, c'est jouissif, plus de peur, plus d'angoisse, le corps répond bien, plus cette sensation d'étouffer si vitale. Anne Garance aussi se sent bien et marche régulièrement et sans fatigue. Nous sommes à midi au sommet des dernières échelles verticales où nous cassons la croûte et à 13h au camp 1. C'est là qu'Anne Garance se retrouve soudainement sans forces (la limite des 8h d'effort).
Je lance un SOS à la radio vers le camp 2. Maila le cuisinier sauveur vient à notre rencontre avec boisson et sans sac pour prendre celui d'Anne Garance dans cet interminable plat montant qui mène au C2.
Le soir, manque d'appétit et sommeil perturbé montrent que l'effort fut trop copieux.

 

M :1096m - 150m/h

D : 67m

Tps :12h18

Pls : 42/118/145

 

 

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